Un diagnostic systématique de l’immatériel éviterait de nombreuses liquidations
Le gouvernement met régulièrement en avant la dynamique des créations d’entreprises pour faire valoir l’efficacité de sa politique anti-crise. Mais qu'en est-il de celles qui disparaissent ?
Ainsi, l’INSEE annonce le nombre record de 56 548 créations d’entreprises en septembre 2009, et de 424 209 sur les neuf premiers mois de l’année, soit 68 % de plus qu’en 2008 sur la même période. Des chiffres à relativiser, car il s’agit pour l’essentiel de créations d’auto-entrepreneurs dont on sait que l’activité est souvent fragile et peu créatrice d’emplois. En revanche, le gouvernement est beaucoup plus discret sur les disparitions d’entreprises qui, selon Laurence Parisot, la présidente du MEDEF, concerneraient « 70 000 PME cette année entraînant avec elles, des centaines de milliers d’emplois. »
> Scanner les savoir-faire
C’est pourtant sur ces entreprises en difficulté qu’il faudrait concentrer les efforts. Car il est acquis que lorsqu’une entreprise industrielle disparaît en France, il y a peu de chances que celle-ci soit remplacée. « Face au risque de transformer la France en un désert industriel, il faut prendre des mesures d’urgence, » estime Jean-Claude Carles, dont les entreprises, Fairlead Management et Fairlead Institute, spécialisées dans le management de transition et de formation à la crise, sont paradoxalement en redressement judiciaire, alors que les compétences en la matière manquent. Le point de vue de cet ancien business angel et magistrat auprès du Tribunal de Commerce est d’autant plus intéressant qu’il a participé à la création de nombreuses entreprises et qu’il sait de quoi il parle.
Pour Jean-Claude Carles, « les 70 000 entreprises qui risquent de disparaître d’ici à la fin de l’année représentent un capital immatériel considérable à préserver. Il faudrait rapidement passer l’ensemble de ces entreprises au scanner pour établir un diagnostic. Le capital immatériel est ce qu’il y a de plus fragile, de plus fluide et de plus destructible. Lors d’une liquidation ce capital de savoir-faire et d’expériences est sous-évalué et définitivement perdu. Et ce ne sont pas les créations d’entreprises, aussi nombreuses soient-elles, qui pourront véritablement compenser cette perte. De plus, ce capital, si on sait le garder, sera un précieux levier de reprise. La plupart des entreprises menacées ne vont pas disparaître à cause de la crise, ni par manque d’argent mais du fait d’une sous-évaluation de leur potentiel, d’une mentalité défaitiste et de rigidités institutionnelles. »
C’est ainsi qu’en France l’échec est perçu comme rédhibitoire. En cas de dépôt de bilan, (et même si celui-ci est suivi d’un redressement réussi), la Banque de France affecte au dirigeant le code 040 qui le poursuivra toute sa vie et pénalisera à jamais ses relations avec les banques. Alors que dans beaucoup d’autres pays l’expérience de l’échec est considérée comme un atout.
De même, notre pays brade et ne sait pas valoriser l’expérience des seniors. « Il faut d’abord bannir toute idée de punition des entreprises qui ne recrutent pas les seniors. On ne réussit jamais dans la contrainte. Il faut changer les mentalités pour faire prévaloir l’expérience sur l’âge, comme cela se passe à l’étranger et éviter ainsi la mise sur le carreau de la mémoire économique de la France. » Ensuite estime Jean-Claude Carles, « sur les 300 000 nouveaux chômeurs annoncés d’ici à la fin de l’année, on estime que 10 % d’entre eux sont des cadres dirigeants ou équivalents. Il est impératif que ces personnes soient très rapidement prises en charge : accueil, diagnostic, formation, accompagnement... Tout se joue dans les six premiers mois de chômage. Au-delà de 24 mois d’attente, c’est la mort assurée de l’individu. ». <